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Paradoxe

de LiL Heaven

 

"Cher journal, cher je ne sais qui, j'écris car j'ai besoin de parler, d'extérioriser ce que je ressens, ce que je pense. Depuis peu de temps je ne peux le faire, plus personne ne m'écoute, Je suis seul. J'ai très peur de la vérité, de ce que je suis devenu, ou de ce que je suis peut-être, je vis ou plutôt je suis dans un doute immense.

Ce matin j'avais décidé de me promener en forêt :

Vers huit heures je me suis levé, en ouvrant la fenêtre de ma chambre je vis un soleil radieux, quelques rayons se reflétant sur la Seine vinrent m'éblouir, un souffle pur se roulait dans l'air et de petits oiseaux pépiaient dans la petite cour juste en dessous de ma fenêtre, en mangeant quelques miettes de pain déposées par madame Birdique la veille.

En les regardant je pensais à mille et une choses, je ne sais pourquoi cette journée me semblait être belle, quand soudain, derrière moi, Hector, mon chien me sorti de mes songes en aboyant, il semblait avoir faim, je lui donnai donc à manger puis je me dis que ce serait dommage par une si belle matinée de ne point l'emmener se promener.

A dix heures nous étions en pleine promenade dans une forêt dans laquelle je n'étais jamais venu, Hector que j'avais libéré de sa laisse il y a peu de temps courait parmi les arbres immenses, les mûriers, et de temps à autres il s'élançait à la poursuite d'un ou deux lapins qui profitaient de cette journée ensoleillée pour manger des baies.

Moi j'étais bien, les idées claires je pensais à ce que je pourrai faire aujourd'hui, peut-être n'irai-je pas travailler ce soir, j'irai aussi certainement rendre visite à Pauline, une collègue de travail pour laquelle j'éprouvai de nombreux sentiments. Je m'allongeai sur quelques feuilles mortes, et je continuais de penser à Pauline, tout en humant voluptueusement l'air si doux. Quand je rouvris les yeux Hector n'était plus là, j’appelais de toutes mes forces mais il ne répondait pas. Je pénétrais d'avantage dans cette forêt, je ne cessais d’appeler, de siffler, mais il avait disparu, je ne me décourageai pas, et continuais de le chercher assez longtemps.

Puis, au bout de deux heures, je me rendis compte que moi même étais perdu, je regardais de tous les côtés en espérant me souvenir d'où j'étais venu, mais tous ces arbres immenses se ressemblaient, depuis bien longtemps il n'y avait plus de chemin sous mes pieds. Un vent assez frais traversait les branches des arbres et décrochait quelques feuilles qui venaient mourir autour de moi. Je sentais la soirée approcher, et la peur peu à peu m'enveloppait tout comme la nuit, je ne savais pas si le temps allait s'aggraver, mais je le craignait fortement car le vent se faisait de plus en plus fort et le peu de nuages que je pouvais apercevoir au travers des arbres étaient sombres et larges, ils pesaient lourd dans le ciel.

Une chose que je trouvais peu importante sur le moment renforça ma peur, les animaux et oiseaux avaient disparus eux aussi, depuis peu je n'en voyais plus aucun et je ne les entendais plus.

Le vent parmi les feuilles et les branches faisait un sifflement singulier qui me donnait la chair de poule, on aurait dit une personne étant en train de siffler, tout comme je sifflais lorsque j'étais à la recherche de mon chien. Je me disais que lui aussi était sûrement autant perdu que moi, mais depuis bien longtemps j'avais finis de le chercher. La nuit maintenant était installée, la lune d'une sombre lueur éclairait à peine ma route, route qui n'existait plus, en dessous de moi il n'y avait que feuilles mortes et de la boue aussi sombre que le charbon. Le paysage était lugubrement sombre et silencieux, c'était ce silence qui m'effrayait le plus, on aurait dit que la seule chose vivante en ces lieux était ma propre personne, même les arbres me paraissaient morts, mais ils m'épouvantaient aussi, leurs longues branches au dessus de ma tête me semblaient être des bras, certaines racines me faisaient trébucher, les feuilles continuaient de tomber autours de moi, de temps en temps quelques ronces me griffaient le bas des jambes. Après trente minutes de marche au milieu de nulle part je sentis une goutte sur ma joue, puis deux, puis une troisième, je me dis que ces nombreux arbres empêcheraient la pluie de m'atteindre mais à peine avais-je pensé ça que la pluie tomba à flot, chacune des gouttes était aussi grosse qu'un seau rempli d'eau s'abatant sur moi, la terre devint de la boue et mes pieds s'enfonçaient dedans à chacun de mes pas, il me fallait faire un petit effort pour ne pas rester prisonnier de cette fange qui semblait vouloir me retenir, puis mes pas se firent de plus en plus lourds, la boue s'était amoncelée sur mes chaussures.

Tout à coup j'entendis derrière moi un énorme cri, on aurait dit un cri de bête et d'homme mêlés tout deux, ce cri me glaça le sang, il me laissa planté sur place enlevant de ma tête toute pensée rationnelle, je ne pouvais plus bouger, la pluie continuait son flot, puis un autre cri se fit entendre, mais celui-la était plus fort, puis un troisième crescendo, la chose qui poussait ces hurlements semblait se rapprocher à grande vitesse vers moi, dans un sursaut de terreur je me mis à courir avec frénésie, mes chaussures étaient restées prisonnières de la boue sur laquelle j'étais resté trop longtemps immobile, je courais comme un animal traqué, je ne voyais presque rien parmi toute cette eau et tous ces arbres sombres, puis au dernier moment je vis devant moi une falaise, je ne pus m'arrêter mes jambes entraînées par la peur continuaient de courir, je sentis le sol se dérober sous mes pieds, mon corps chuta, et percuta de nombreux rochers ce qui le fit tourbillonner comme un simple pantin de bois, je ne voyais que le paysage lugubre par petites images, je ressentais une immense douleur et une peur démesurée.

La chute me paraissait rude et longue. Mon corps tout à coup s'immobilisa, je pouvais maintenir mes yeux ouverts avec le peu de force qu'il me restait, je me sentais mal, ma tête tournait et je pouvais sentir contre ma joue le sang qui s'échappait de mon crâne. Puis je vis une masse noire, la silhouette était humaine, ce n'était pas un animal, cette masse, au dessus de moi me tendit une main, je ne voulais pas tendre ma main à mon tour, cette ombre venue de nul part me faisait peur, de plus je n'avais plus de force ni pour tendre la main ni pour maintenir mes yeux ouverts qui se fermaient doucement.

Plus tard, mes yeux se rouvrirent, le temps était calme et ensoleillé, je me levai et regardai autour de moi, il me semblait que tout avait changé. Je pouvais entendre le chant des oiseaux et même les bonds des petits lapins guillerets, à terre de nombreuses fleurs étaient disposées ça et là, tout me paraissait merveilleux, mais il fallait retrouver mon chemin, devant moi les arbres n'en finissaient pas, je marchais parmi eux.

Malgré le nombre important de fleurs mon odorat ne distinguait pas la moindre odeur, ceci me troublait extrêmement, je me penchai en avant et cueillis des violettes que je portai aussitôt à mes narines, rien, elles n'avaient aucune odeur, je trouvais ceci très étrange. Quelques minutes après j'entendis des voix, elles venaient de loin, je me dirigeai vers elles, c'était un groupe de quatre jeunes filles avec des tentes, de nombreux sacs à dos, un poste de radio.

Une joie immense s'empara de moi, cela signifiait que je n'étais plus perdu, et qu'enfin je pourrai rentrer chez moi, je m'approchai d'elles et leur demandai par où elles étaient venues, elles paraissaient ne pas m'entendre, je reposai la question en haussant légèrement la voix mais en gardant un ton amical, elles ne me répondaient toujours pas, elles étaient assises sur des draps, et jouaient aux cartes, je me mis au milieu d'elles et reposai ma question, elles ne me voyaient pas, croyant à une blague je mis ma tête juste en face d'une d'elles, son visage m'étonna, ses yeux, cachés par quelques cheveux blonds ne me voyaient pas, malgré que les miens étaient juste en face d'eux. Je me redressai tout en sentant sourdre une angoisse en moi, je pris un des sacs et le soulevai pour l'agiter sous leurs yeux et leur faire voir ma présence, quand tout à coup, toutes ensembles se mirent à pousser des hurlements d'effroi, elles se levèrent toutes et se mirent à courir du plus vite que leurs jambes le leur permettaient. A cet instant je me reconsidérais des pieds à la tête, je ne comprenais pas, pourquoi ne m'avaient t-elles pas vues ? Etais-je réellement là ? Etaient t-elles là ? Avais-je bien vu à cet endroit même quatre jeunes filles ?

Je ne savais pas, je repris ma route quand je me rendis compte que je tenais toujours le sac dans ma main gauche, je le déposai à terre et l'ouvris, dedans, étaient disposées quelques affaires de toilettes, du maquillage, des petits flacons de parfum, de petits animaux en peluche, un stylo et un petit journal dont les pages étaient vierges, c'est d'ailleurs sur celui-la même que j'écris ce récit.

Après avoir bien observé le contenu du sac je m'assis et pensais à ce qui pouvait bien m'arriver, puis j'entendis un aboiement étrange qui me paraissait familier, je me levai et reconnus aussitôt l'aboiement d'Hector, je me mis à courir vers lui, il semblait souffrir, après trois ou quatre minutes de course je le vis au loin, je m'arrêtai et l'appelai, il ne m'entendait pas, je m'approchai et le vis auprès d'une personne qui était étendue sur le sol, m'étant assez approché, ce que je vis me glaça le sang, une terreur immense s'empara de moi, mes jambes faillirent me laisser tomber sous mon poids, ma respiration se coupa nette, plus rien ne se passait dans ma tête, je ne pensais plus, je ne voyais rien d'autre que ce visage ensanglanté qu'était le mien.

Après peut-être une dizaine de secondes une pensée me vint, un reproche envers moi-même, je me dis intérieurement que j'aurais peut-être dû tendre à mon tour la main à la mort."

 

Ce journal fut retrouvé auprès du corps de Frédéric Hussonnet mort d'une chute de près de quinze mètres, son chien qui hurlait à la mort fut entendu par quelques vacanciers se promenant qui ont immédiatement averti les secours.

LiL Heaven


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